A l’origine, la bastide est un bâti. Le mot Bastide, Bastido en provençal, est d'ailleurs a rapprocher du mot de vieux français "bastir" qui a donné le verbe bâtir.
Le terme est assez générique, et s'il peut désigner une simple maison de la campagne, plutôt isolée, que l'on trouve en Provence, il va rapidement évoluer là-bas pour désigner un domaine, puis la construction destinée à être l'habitation du maître d'une exploitation agricole. La bastide se différencie alors du mas qui ne présente aucun signe particulier de richesse et sert sur le domaine pour le matériel, les animaux et le logement des exploitants et métayers. Les premières bastides de Provence sont donc accompagnées de leur mas.
D'ailleurs, dans Lou tresor dou Felibrige, dictionnaire français-occitan de Frédéric Mistral, « Bastidanot, oto » est défini comme « Petit campagnard, Jeune fermière », le « Bastidie » comme « habitant d’une bastide, fermier », et « Bastidasso » comme « Bastide tombée en ruine (…) mauvaise ferme ». Toutes ces définitions lient Bastide et ferme.
Si celles des secteurs les plus faciles d’accès depuis les grandes villes, dont Aix-en-Provence et Marseille, ont eu tendance à être transformées avec le temps en propriétés d'exception, il en existe encore quelques beaux exemples, plus modestes, dans le secteur de la vallée nord Luberon ou sur les monts de Vaucluse.
Au XVIème siècle, puis de manière plus prononcée à partir de la deuxième moitié du XVIIème, les terres des domaines ont connu d'importantes transformations. Ainsi, petit à petit les cultures autour des bastides deviennent des jardins et les bâtiments servant à l'exploitation agricole sont éloignés de la bastide. On y cultive de la vigne et des fruitiers, dont l'olivier ou encore le cerisier dans le pays aptois, laissant les céréales et autres cultures moins esthétiques pour les terres un peu plus lointaines du domaine.
Elle devient alors progressivement la maison bourgeoise de campagne par excellence, un lieu de villégiature, et son nombre se multiplie dans les campagnes des grandes villes comme Marseille, Aix-en-Provence, Toulon, Avignon ou encore Arles. Les jardins s'agrémentent de parc, des bassins et la maison à la campagne se voit transformée en une propriété d'exception.
Arthur Young, décrivant le paysage de Toulon dans son recueil Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789, parle d’une montagne « parsemées de bastides », révélant ainsi un essor assez important de ce type de construction.
Cet engouement pour la bastide touche de plus en plus de gens car pour être bien vu dans la bourgeoisie, il faut avoir sa bastide. Même s'il reste des bourgeois très fortunées pour produire quelques superbes propriétés, la bastide comme propriété d'exception n'est alors souvent plus si "exceptionnelle". Ainsi, vers la fin du XIXème, puis au XXème, la notion agricole a totalement disparu et la bastide n'est alors souvent plus qu'une maison située dans la très proche campagne, maison que celui ayant "réussi" se doit d'avoir.
En 1887, dans le volume 2 dédié au midi de la France de ses Impressions de voyage, Alexandre Dumas, évoque Marseille en forçant le trait et écrit : « C’est que chaque habitant de Marseille possède sa bastide (…) il choisit pour sa bastide le point le plus rapproché de la porte par laquelle il sort (…) Rien n’est moins exigeant qu’une bastide : une bastide n’exige ni cour ni jardin. Il y a des bastides qui ont un arbre pour quatre, et celles-là ce ne sont pas les plus malheureuses. »
En 1892, le Dictionnaire des dictionnaires, lettres, sciences, arts • Volume 1, confirme l'abandon du faste en donnant la définition suivante : « En Provence, petite maison de campagne ».
De nos jours se construisent de simples villas, parfois sans le moindre étage ni le moindre faste, et ces "bastides" sont dénommées avec en complément un déterminant végétal. Ainsi, de nombreuses communes du Luberon ont, par exemples, leur "bastide des lavandes" ou leur "bastide des oliviers", sans le moindre rapport avec l'histoire de ces bâtiments.
La bastide de Provence tire son nom du provençal et désigne une « construction en pierre », ou plus généralement de l'occitan qui désigne un « bâti ». Selon l’époque, le bâtiment n’aura pas le même aspect mais il permet à son propriétaire de se différencier de ses voisins, de montrer sa richesse, en opposition ou en complément du simple Mas (bâtiment typiquement agricole) et plus rarement du Jas (pour l’élevage ovin).
Le mot Bastide en terme de bâti peut désigner plusieurs éléments :
- Le bâtiment que l’on trouve dans le pays aixois, le Luberon, les Alpilles, la Drôme, le Var et plus généralement en Provence et qui est le sujet de cet article, voir un domaine agricole pris dans son ensemble.
- Les bastides, portes principales de la ville de Paris. Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, dans le second volume de son Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle nous donne comme exemples la Bastide Saint-Denis et la Bastide Saint-Antoine.
- Les bastides que l’on trouve dans le secteur du Languedoc et qui désignent alors une ville toute entière. Ces bastides-là trouvent leur origine au Moyen Age et désignent alors une « ville nouvelle » du sud-ouest de la France. Elles sont généralement closes et originellement financées par des comtes ou des évêques, voir le roi. Dans certains cas, ces villes nouvelles s'appuient sur une base plus ancienne (Libourne, Carcassonne), mais toutes ont des caractéristiques communes telles une place centrale, un plan régulier avec des rues droites, des voies de desserte et d'autres secondaires plus étroites, souvent des arcades, une enceinte fortifiée, etc.
Toutefois, les deux dernières ont en commun l'idée d'un ouvrage du Moyen Age dédié à la défense, ce qui n'a jamais était le cas de la bastide de Provence. A ce propos, Aimé Louis Champollion-Figeac, dans son livre de 1868 Documents paléographiques relatifs à l'histoire des beaux-arts et des belles-lettres écrit : « Le mot bastide est fréquemment employé, pendant le XIIIème siècle, pour désigner les maisons de campagne ; mais nous remarquons que, bientôt après, ce mot avec cette acceptation fut particulier à la Provence. » Il précise alors qu’une erreur est faite, parlant de Lafaille et de ses Annales de Toulouse, quand on prétend que les bastides ont toujours étaient des châteaux forts, etc. et conclut avec « Nostradamus, dans son Histoire de Provence, cite un grand nombre de faits qui corroborent cette opinion. »